ARTHUR DUPAGNE, Artiste humain par Richard DUPIERREUX, de l'Académie Royale de Belgique.

LES expositions de l’œuvre d’Arthur Dupagne qui, depuis plus de quinze ont, ont été organisées, tant à
Bruxelles que dans la plupart des villes de province, permettent d’affirmer qu’il est vraiment le grand
sculpteur de notre Colonie. Parmi les nombreux artistes de chez nous qui poursuivent avec le plus de
ferveur le grand dialogue entre la Métropole et la Colonie, il est assurément l’un de ceux qui ont le plus
parfaitement, le plus complètement répondu à l’appel africain.
Grâce à lui, grâce au travail qu’il réalise, jour par jour, notre Colonie affirme de plus en plus sa grandeur
en augmentant pour tous la connaissance que l’on a de sa réelle vérité. L’art est vraiment ici le véritable
demain.
Nous devons à Arthur Dupagne quelques monuments importants comme celui qui fut élevé à
Léopoldville à l’occasion de la commémoration du vingtième anniversaire du Chemin de fer du Bas
Congo, comme, à Matadi, celui des Portes sur le Sentier des Caravanes de la M’Pogo. Ce sont là de belles
oeuvres, vraiment monumentales, dans lesquelles il apparaît aussi architecte et constructeur que
sculpteur. Il n’est guère en Afrique belge de centres de notre vie coloniale pour lesquels il n’ait modelé, il
n’ait sculpté, il n’ait gravé, cette fois médailleur aussi bien que plasticien, les figures de nos grands
coloniaux auxquelles s’ajoutera celle de Stanley que bientôt on inaugurera.
Mais c’est là l’aspect européen du Congo. Nous préférons peut être Arthur Dupagne lorsque pour lui le
Congo, c’est l’Afrique elle-même. Il nous révèle, en dépassant un trop facile pittoresque, dont d’autres se
sont contentés, le véritable miracle mélanique, en découvrant la beauté du nègre. Point d’académisme
d’une couleur nouvelle. Ses modèles, il n’entend point qu’ils posent dans une formule convenue, dans le
silence de l’atelier. Il va vers eux. C’est dans leurs villages, devant leurs huttes, au bord de leur plaine
qu’il les découvre et c’est là qu’il les sculpte. Il les observe dans leur travail, dans leurs danses, dans leurs
fêtes. Leur musculature n’est point au repos. Ils vivent. L’émotion qu’il a ressentie en les regardant vivre,
il nous la transmet tout entière. Que ce soit le piroguier, la musicienne, le porteur de fagots, les montre
tels qu’il les a vus, dans toute la grâce, dans la perfection comme hellénique de leurs corps nus. Il a
surpris l’élégance de la femme noire comme la robustesse souple du nègre. Ses modèles ont une beauté
d’antiques.
Et il n’a point accepté qu’ils ne fussent que masses, volumes et mouvement. II nous a relevé l’âme des
noirs, dans sa tendresse comme dans sa violence. Devant toutes ses ouvres, nous nous sentons envahis de
fraternité. Son art, parfait, à l’exceptionnel mérite d’avoir vraiment fait pénétrer le nègre dans l’humanité
qui est sienne comme elle est nôtre.