GALERIES DE L'ART BELGE, AVENUE LOUISE,62,BRUXELLES EXPOSITION ARTHUR DUPAGNE DU 5 AU 17 JUILLET 1941

La nature Africaine a offert aux sculpteurs des sources nouvelles d’inspiration. Elles ont été pour eux un
refuge précieux contre un académisme périmé et conventionnel. On eut dit une bouffée d’air frais dans la
poitrine d’un malade. Mais rares ont été ceux qui savent en extraire toute la richesse. Il fallait s’y préparer
par une étude longue et laborieuse, par une pénétration, dirais-je, que seule pouvait permettre à des
artistes familiers d’une nature si différente, de s’assimiler complètement cette âme nouvelle.
De ces rares élus, Mr. Arthur DUPAGNE (qu’il ne faut pas confondre avec le peintre Adrien Dupagne,
son cousin, liègeois comme lui) est assurément, en Belgique, le plus remarquable. Une exposition de ses
oeuvres en 1936, à la galerie de la Toison d’Or fut une révélation. Elle n’avait rien de l’apport improvisé
et hatif d’un excursionniste déballant devant le public ses notes de voyage. Monsieur Dupagne avait
séjourné au Congo pendant huit ans. Ces huit années, il les employa à vivre de la vie intérieure et
pittoresque de la colonie; il s’était mêlé, par son travail, aux moeurs du peuple, à ses joies et à ses
souffrances; il avait pu tout à loisir observer toutes ses réactions, le surprendre dans ses attitudes, dans
ses mouvements et ses gestes, considérer le rythme de ses anatomies saisies au vif de ses labeurs, de ses
plaisirs et de son existence familiale de tous les jours, sous les ardeurs brûlantes d’un soleil implacable.
Aujourd’hui il nous revient avec des oeuvres nouvelles, muries par des souvenirs toujours vivaces et un
travail toujours plus intensif. Rien ne saurait trahir dans tout cela les traces de l’art conventionnel, élaboré
d’après des modèles d’atelier et des documents superficiels. C’est de l’humanité frémissante, que n’a pas
déformée la civilisation morbide et sédentaire de nos Pays du Nord. Et, ce qui le fait surtout à nos yeux si
vivante et si vraie dans sa grâce originelle, si éloignée de la laideur barbare qu’on lui a trop souvent
attribuée sous prétexte de couleur locale, c’est que l’artiste a su élever jusqu’au STYLE un réalisme qui,
sans cela eut risqué de rester lettre morte. L’esprit qui anime des figures comme « la Danseuse
Bassalampasu », le « Musicien » , « le Tipoyeur « , « le Tireur à l’Arc » avec leur corps souples nerveux, libres
de contraintes, fut puisé aux sources harmonieuses de l’idéal classique.
Monsieur DUPAGNE est, en effet, un pur classique par son éducation et son talent. Nous le retrouvons
tel, non seulement dans ses interprétations de la vie congolaise, mais aussi quand il interprète notre vie à
nous, dans ses nombreux bustes de personnages connus,- celui de la Reine Astrid, en marbre, pour les
nouveaux laboratoires de Léopoldville et celui d’une jeune fille charmante sont admirables, – et aussi
dans ses oeuvres de statuaire monumentale et décorative, où sa maîtrise n’est pas moins remarquable. De
ces dernières, l’exposition universelle de New-York et celle de Liège possédaient quelques-unes fort
importantes, notamment une vaste frise en haut relief d’un caractère extrêmement original. C’était là un
bel exemple, qui devrait encourager nos pouvoirs publics à ne pas délaisser, comme ils font, un art qui
fut jadis chez nous si glorieux. Ces deux expressions d’art se fortifient ici et se complètent, réalisées par
M. DUPAGNE avec égal souci de vérité et de beauté.