LA SCULPTURE VIVANTE Arthur Dupagne artiste belgo-congolais

UNE manifestation — et non des moindres- qui rehaussa l’éclat des fêtes du Cinquantenaire qui se
déroulèrent dans 1e Bas-Congo au début du Tuais de juillet, est assurément l’exposition des oeuvres du
sculpteur Dupagne.
Arthur Dupagne n’est certainement pas un inconnu pour nos lecteurs. Il imposa son nom entr’autres à
l’Exposition Internationale de Paris en 1947, puis, en 1933, respectivement à l’exposition de l’eau à Liège
et à l’Exposition Internationale de New York,où il fut chargé d’y présenter des panneaux décoratifs en basreliefs représentant la Belgique au travail dans sa colonie.
Arthur Dupagne est Liégeois. Après avoir faitdes études à l’Académie de cette ville et avoir
tentévainement de gagner sa vie en faisant son métier desculpteur, Dupagne un beau jour revisa sa
positionet se dit qu’à notre époque l’art ne nourrissait plus son homme, et que seuls les gens fortunés
pouvaient encore espérer de se faire un nom. Aussi songea-t-il à gagner de l’argent. Tout naturellement
ses yeux se portèrent au delà de frontières du Royaume etcomme il voulait aussi faire de l’argent dans le
plus bref délai possible, il songea au Congo. D’ailleurs, le Congo, selon une intuition qui devait
s’avérertrès juste par la suite, devait fournir à son inspiration, des éléments tout neufs.
C’est ainsi que Dupagne s’engagea au service de la Société Internationale Forestière et Minière du Congo
en 1923 . Il avait alors :33 ans. Il fut attaché l’exploitation des champs diamantifères dont le centre se
trouve à Tshikapa. Or- il se fait que Tshikapa se trouve en terre Tshokwe et que la tribu Tshokwe
(Batshok) est une de ces tribus du :sud-ouest congolais où l’art du sculpteur sur bois est resté en honneur.
Dupagne fut tout de suite intéressé par les travaux de ces indigènes exécutés avec des moyens primitifs. Il
trouva et chercha de la terre glaise et se mit à, modeler.
Nous publions par ailleurs le panneau décoratif en haut Relief exécuté pour immortaliser la construction
du rail Bas-Congo Matadi Léopoldville. D’une façon magistrale l’artiste a synthétisé D’effort surhumain
de cette oeuvre à la fois pacifique et cruelle
Il se mit à modeler avec fièvre. Son employeur y trouvait son compte puisqu’il s’efforçai, à pousser le
travail avec le plus de célérité possible afin de disposer du plus grand nom d’heure de loisirs !
Rentrant chez lui, harassé, fourbu par une longue journée au soleil, il se jetait dans le petit atelier de pisé
et de chaume qu’il avait fait élever à proximité de son habitation. Les murs de ce misérable abri assistèrent
à l’enfantement des meilleures oeuvres de Dupagne dont la plupart s’ébauchèrent et se fixèrent à la suite
d’un geste, d’une attitude que son regard avait photographiés.
Ce qui fait précisément l’intérêt des oeuvres de Dupagne, c’est leur vérité d’expression. Le visiteur qui est
admis dans son atelier de l’avenue de l’Orée à Bruxelles, ou qui a pénétré dans sa dernière exposition de
Léopoldville, est séduit par la vie qui se dégage de cette matière inerte. Que ce soit  » Le Tireur à l’Arc « , « 
Le Pagayeur « , le  » Joueur de Tam Tam « ,  » Le Pelleteur « ;  » L’Homme à la Machette  »  » Le Chasseur  » , « 
Le Tipoyeur  » ou  » Le Bouvier  » l’effet de surprise reste identique.
Et le visiteur interdis contemple l’œuvre avec l’assurance intime que ces sujets sculptés en plein
mouvement vont tout à coup se mouvoir et parachever leur geste.
Aujourd’hui Dupagne a réalisé, sen rêve. Il a gagné assez d’argent que pour se montrer indépendant et
imposer sa manière. Demain il sera au faite des honneurs, mais nous croyons bien le connaître en assurant
que la gloire dont il est déjà auréolé ne troublera en rien sa sérénité de ban Liégeois placide et de
philosophe.
R.C